Interface et Musique, nostalgie et innovation

Découvrez comment les interfaces de logiciels de création musicale ont évolué, des reproductions nostalgiques de synthétiseurs classiques aux innovations modernes.
Par
Arthur
,
le
17/4/2024
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Qu’est-ce que l’interface ?

En 1970, Robert Moog et Bill Hemsath créent le Minimoog, synthétiseur monophonique de légende à 3 oscillateurs, avec un panneau de commande simplifié. En 2013, Native Instrument développe Monark, reproduction fidèle du Minimoog, du son comme de l’interface. Après 43 ans, le Minimoog reste une référence d’interface de synthétiseur.

Avec l’essor de l’informatique la production musicale a prit un tournant majeur. Ces interfaces, qui permettent de faire le lien entre l’humain et la machine, doivent répondre à des problématiques héritées des interfaces physiques des machines de studio (que l’on appellera hardware par la suite) mais aussi de problématiques liées au numérique. Elle doit traduire en langage visuel une quantité plus ou moins importante d’informations pour la rendre accessible.

L’interface a de multiples rôles en fonction du domaine d’application. Quel est le rôle de l’interface dans les logiciels de création musicale ?

Pour comprendre ce rôle on peut distinguer trois grands types d’interface de logiciels : les interfaces skeuomorphiques ou reproductions d’appareils hardware, les interface neumorphiques ou flat design, et les interfaces plus expérimentales à différents niveaux.

L’interface nostalgique

À une époque où la nostalgie est à la mode, les instruments virtuels optent pour des interfaces plus proches du réel, voire, dans beaucoup de cas, des reproductions identiques des instruments originaux. C’est le cas de la V Collection de Arturia, qui permet de retrouver l’aspect, l’utilisation et le son de synthétiseur légendaires du XXème siècle. Cet attachement à l’ancien dans l’utilisation est flagrante mais à quoi tient t-elle ?

« Il y a beaucoup de skeuomorphisme dans le monde de la musique, c'est bien sûr plus facile d'émuler quelque chose que les gens connaissent, l'interface montre juste le clavier et les gens ont peut-être le même clavier à la maison (...) ils n'ont pas à penser aux boutons qu'ils vont ajouter, ils doivent juste le recréer comme un rack. […] Nous sommes habitués à la 3D, à des choses que l'on peut toucher, et soudain nous avons des écrans devant nous, ce ne sont que des pixels, tout semble artificiel, et c'est peut-être pour cela que les gens veulent revenir en arrière, pour ressentir du naturel, c'est une question très psychologique » .

Ces reproductions sont une source de nostalgie pour de nombreux utilisateurs ayant connus ces appareils sous forme physique, et une source de recherche pour des utilisateurs plus jeunes car ce sont des appareils qui demandent à être découvert et bien plus facilement qu’à l’époque.

Il est aussi évident que cet attrait pour les appareils de musique de collection sont bien plus accessible financièrement sous leur forme digitale.

KORG MS-20 V par Arturia

Potard pour toujours ?

L’interface digitale, il semble que la solution soit plus avancée que reproduire les schémas d’interface des interfaces hardware : on doit sortir de la reproduction du réel et utiliser pleinement le potentiel du numérique.

Dans l’entre deux, a mi-chemin entre l’interface traditionnelle et l’innovation, vient s’installer Arcade d’Output, designé par le studio Resonant Design. Cette interface est particulière car l’utilisateur interagit avec le logiciel grâce à un clavier MIDI, cependant l’affectation des touches n’est pas celle d’un piano. Arcade Output essaye de propulser le clavier MIDI à un nouveau niveau d’utilisation :

" avec Arcade de Output, vous avez les touches blanches pour jouer des échantillons, et les touches noires vous pouvez manipuler les effets, vous avez juste quatre effets sur votre écran, que vous pouvez mélanger dans votre jeu. Ce monde supplémentaire avec les touches noires et blanches est un bon exemple d'un très bon équilibre entre le jeu et en même temps le travail orienté vers un objectif, l’efficacité."

Ces nouvelles interfaces sont donc enrichies de nouveaux languages qui n’auraient pas été envisageable dans les appareils de studio, des codes qui permettent à l’interface d’avoir d’avantage d’affordance

(L’affordance est la capacité d’un objet ou d’un système à évoquer son utilisation, sa fonction.

Par définition, l’affordance provoque une interaction spontanée entre un environnement et son utilisateur. En ergonomie, elle permet de rendre l’utilisation d’un objet ou d’un service « intuitive ». Pour améliorer l’interface utilisateur (UI) et l’expérience utilisateur (UX), les affordances sont donc essentielles dans le design des interfaces et des services.)

Une nouvelle façon de créer le son

Certaines interfaces cherchent à innover et trouver de nouveaux dispositifs pour manipuler le son, autre que le potard ancestrale qui guide les interfaces hardware autant que digitale depuis si longtemps. On peut par exemple parler du travail de Jean Jacques Birgé qui a développé La Pâte à son. « La Pâte à Son est une boîte à musique programmable qui ressemble à un labyrinthe de tuyaux de plomberie dans lesquels circulent des gouttes, notes de musique qui déclenchent des instruments sur leur passage. L’originalité vient du fait qu’à partir d’une mélodie simple on crée une polyphonie complexe, grâce à un système d’aiguillages, de ré-injections, d’évaporations… » (Mediapart)

Les interfaces comme celle proposée par Jean Jacques Birgé, dans une logique d’experimentation et non de préméditation sont rarement utilisées dans le milieu de la production musicale.

L’entreprise Moog Music, à l’origine du Minimoog évoqué en introduction, a sorti le 23 novembre 2021 Animoog Z, un synthétiseur virtuel à table d’onde anisotropique dont l’interface sort des sentiers battus. Cette dernière s’appuie d’avantage sur le son multidimensionnel et une interface dans l’espace. Les sources sonore sont représentées par des orbes qui traversent des modulateurs et des filtres dans un espace représenté en 3D. Cette représentation s’adapte particulièrement au support tactile (Ipad) car il permet de naviguer de manière naturelle dans l’espace. C’est aussi un moyen d’inviter l’utilisateur à expérimenter et explorer un sound design d’une nouvelle manière.

L’application de la création musicale à ce domaine est cependant très axé sur la création libre et moins sur l’efficacité qu’avait évoqué Hauke Scholz :

" Tout d'abord, nous devons comprendre quel est le processus. Beaucoup de musiciens veulent que leurs merdes soient faites. Parfois, l'inspiration n'est pas la priorité absolue. Il y a beaucoup d'idées sur la façon d'être inspiré. Disons que vous voulez parcourir vos échantillons, des gigaoctets d'échantillons, et au lieu d'avoir une liste, vous auriez un nuage dans lequel vous pouvez zoomer en avant et en arrière sur les noms des échantillons. C'est un bon exemple d'une interface qui serait inspirante. Mais au final, vous devrez faire votre travail. «

Si le marché n’offre pas beaucoup de place à la créativité, certains développeurs visent quand même via certains produits à chercher de nouvelles façons de créer. C’est le cas de Dubler 2, créé par Vochlea et désigné par Resonant Design. Ce logiciel propose d’utiliser la voix comme un nouvel outil de communication avec l’interface.

C’est aussi le cas s'ils veulent se produire en direct, ce qui n'a rien à voir avec la créativité, comme une touch strip, qui est un peu créative mais qui se concentre toujours sur l'efficacité. L’objectif principal est de faire du son pour le public. La bande tactile sur Maschine est un bon équilibre entre l'efficacité et la créativité. Mais cela reste toujours dans un contexte raisonnable et sérieux.

Le logiciel Dubler 2, créé par Vochlea et designé par le studio Resonant Design, utilise la voix comme interface entre l’intention de l’utilisateur et le logiciel. Dubler 2 détecte les accents, la vélocité, la note ou le type de son et le que l’utilisateur chante. Cela permet de déclencher des pièces de percussions, des instruments virtuels. La voix permet un contrôle particulièrement fin, mais l’enjeux pour le designer d’interface devient donc de faire comprendre les impacts de la voix sur le son.

« […] il y a un grand élément central dans l'interface, je pense que c'est un bon exemple de la façon de créer un focus agréable et aussi de visualiser une entrée et des paramètres d'une manière différente que les potards et faders. C'est définitivement un peu plus amusant et c'est bien sûr excitant, on ressent ce que ça représente […] La créativité n'est pas le but principal des interfaces, ce n'est pas ce qu'elle est. Plus j'ai travaillé dans le secteur, plus j'ai compris que les gens ne voulaient pas trop naviguer, jouer avec, bien sûr l'inspiration est un sujet important, mais ensuite il s'agit juste du travail que vous devez faire. Par exemple, les créateurs de rythmes d'Atlanta doivent être rapides dans leurs musiques pour leurs clients. »

Malgré beaucoup de propositions, la cible d’utilisateurs et acheteur actuelle cherche d’avantage l’efficacité que la créativité / La nouveauté

L’interface du futur

La nostalgie stimulée par les appareils en 3D sur écran peuvent aller plus loin avec la VR, plus logique et adaptées, le retour au réel et à l’espace / mise en relief semble la tendance de l’interface.

« La VR qui est au coeur de l’innovation dans le numérique de ces 10 dernières années a aussi eu le droit à son implication dans la musique : Développé par Beamz Interactive en partenariat avec Vive Studios, le bras d’édition de HTC Vive, Jam Studio VR est une application de création musicale en réalité virtuelle. Le logiciel met l’accent sur l’accessibilité, en permettant à tout un chacun de ressentir le plaisir de la création musicale et de l’utilisation d’un instrument sans avoir besoin de connaissances ou d’expérience. »

La réalité virtuelle permet de se confronter à la troisième dimension de manière bien plus fidèle qu’avec un écran qui projette une image sur une surface plate. Ces nouveaux types d’interactions sont encore à un stade peu avancés mais promettent de pousser à un autre niveau la création musicale.

Les utilisateurs influences les interfaces, c’est leurs contraintes / demandes qui influence la tendance. L’UX dans l’interface de production est incontournable pour être efficace

L’utilisateur a peur de changer ses habitudes

Conclusion

Les interfaces cherchent à séduire différents publiques mais leur première fonction semble de permettre l’efficacité. Cependant il semble que la reproduction d’appareils ancien et le skeuomorphisme soient loin d’être une fatalité. Des nombreuses marques et de nombreux artistes nous prouvent que l’on peut encore innover dans la manière de créer de la musique grâce au numérique. Il ne reste que l’utilisateur pour choisir d’engager de nouvelles démarches de créations innovantes, accepter de changer sa méthode de travail pour évoluer et utiliser à son plein potentiel les outils de création de musique digitale. La nostalgie et l’innovation occupent tous les deux des places majeures dans les interfaces de logiciels de productions musicale, mais il semble que certains codes hérités des machines hardware soient fortement ancrés et refusent de laisser place à de nouvelles solutions plus adaptées au support numérique. Quelles solutions ergonomiques et visuelles peuvent être mises en place pour proposer une interface plus adaptée au numérique.

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